Il fait mousser le houblon d’Alsace
Philippe Martin s’est glissé avec envie dans la peau de responsable des ventes houblon France du Comptoir agricole. Il suit les modes pour anticiper les adaptations aromatiques de la filière alsacienne.
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Philippe Martin peut croire aux prémonitions. En 2001, adolescent, il brasse ses premiers litres de bière dans la cuisine de ses parents. Depuis 2016, il est responsable des ventes houblon France du Comptoir agricole. Entre ces deux dates, sa formation l’a orienté vers la finance et la gestion. Mais ce « bon vivant », comme il se qualifie lui-même, ne fait pas de fixation sur les chiffres. L’offre de la coop tombe à pic. Sa connaissance des grandes lignes du marché et des techniques de brassage est un atout. Sa mission : trouver de nouveaux clients parmi les petites brasseries qui se montent un peu partout dans l’Hexagone. « En vingt ans, le nombre de professionnels est passé de 60 à 2 000. Hors grandes marques, ces entreprises produisent de quelques dizaines à quelques milliers d’hectolitres. Le marché attire des investisseurs financiers. Certains ont des projets pour passer de 15 000 à 100 000 hl », détaille Philippe Martin.
« Cette évolution typologique et géographique a changé le métier. Les brasseurs élaborent des bières plus houblonnées. Ils recherchent la diversité aromatique. J’ai aujourd’hui un rôle de conseil. Il me faut avoir un pied dans les différentes recettes pour comprendre les besoins de chacun, deviner l’apport de la variété selon l’utilisation qui en est faite en fabrication. J’essaye de placer les houblons du terroir d’Alsace face à la concurrence des houblons aux profils très différents du monde entier. » Une autre facette de son poste est de faire remonter les informations glanées sur le terrain à la filière. Avec le défi de recommander la bonne orientation variétale pour une culture qui est pérenne alors que la visibilité du marché n’excède guère trois ans. Il s’occupe enfin de la promotion du houblon d’Alsace notamment sur les réseaux sociaux.
Chaque année, Philippe Martin coche d’avance deux dates sur son calendrier : celle du Salon du brasseur à Nancy et celle de BrauBeviale à Nuremberg. Deux semaines par mois, de janvier à juillet, il est beaucoup dans les trains et un peu au volant. Mais la rencontre entre quarante-cinquante brasseurs et brasseuses d’un côté et leurs différents fournisseurs de l’autre, est le format qui lui plaît le plus. « Je préfère ma place. Je ne me vois pas brasseur. Je cherche une relation à long terme avec mes clients. Le côté humain des échanges compte le plus. Il n’existe pas de grand ou de petit client, mais un brasseur dont je suis le partenaire. Je les ai tous appelés pendant le confinement. » La crise ne s’est pas encore traduite en niveau des ventes. Philippe Martin s’attend à en mesurer l’impact au deuxième semestre 2020 mais il n’est pas trop inquiet. « La filière alsacienne va d’abord répondre un peu plus à l’engouement pour le bio. En 2021, 77 de ses 455 ha en production seront certifiés. La tendance locavore et celle du houblon sexy [comprenez : « aromatique »] s’installent ensuite de plus en plus. Les variétés alsaciennes comme Aramis, Elixir, Barbe Rouge, Mistral et Triskel sont ma chance face à un concurrent allemand ! »
Christophe Reibel
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